Voilà plus d’un mois que j’ai raccroché mon dossard des Routes de l’Oise, et il m’a fallu tout ce temps pour prendre enfin ma plume mon clavier pour vous raconter cette course épique. En effet, j’avais fait des Routes de l’Oise 2013 mon principal objectif du début de saison, et même si les jambes et la motivation étaient bien au rendez-vous, la météo capricieuse de ce début d’année n’a pas joué en ma faveur …
Première étape : pas assez d’ambition …
Au départ de la première étape, le beau temps était de la partie et nous nous présentions sur la ligne avec mes équipiers du CC Verlinghem avec l’envie de bien faire. Il faut dire que nous n’avions pas négligé ce rendez-vous, et chacun d’entre-nous avait travaillé sérieusement à l’entraînement pour arriver en forme pour ce weekend de mai.
Grâce à la ruse de notre président Bruno, nous avions de très bon dossards et pouvions nous positionner dans les premiers pour le départ. Ça n’a l’air de rien, mais c’est un avantage non négligeable quand on sait combien les places sont chères à l’avant du peloton sur ce type d’épreuve.
Le départ était donné au pied d’une côte, mais la montée de celle-ci était neutralisée. Je restais bien concentré pour me maintenir dans les premières places, et je passais la ligne du départ réel à l’avant. Je savais qu’il fallait rester aux avants-postes dans les premiers kilomètres, car une première bosse s’élevait sous nos roues au bout de 15 kilomètres. Même si quelques attaques émaillaient le peloton depuis le départ, aucun groupe n’avait pu vraiment s’échapper avant ce premier taquet.
Celui-ci était franchi à vive allure, mais je maintenais ma place dans les premiers, tandis que deux coureurs parvenaient à prendre un peu de champ. Pour ces deux là, c’était bien parti car il comptaient déjà une 1’30” d’avance 10 kilomètres plus loin … Je restais bien concentré, car le 35ème kilomètre de course marquait le début d’un enchaînement de trois bosses, pendant lesquelles il se passe toujours quelque chose.
J’abordais sereinement ces difficultés, qui étaient franchies à bloc. Je reculais un peu, mais parvenais à revenir dans les 15 premières positions du peloton à chaque fois. A mon grand étonnement, personne ne parvenait à ressortir derrière les deux échappés, mais le peloton était bien étiré. Puis, deux kilomètres plus loin, sur de grandes routes larges et sans difficultés, les attaques reprenaient. Mon équipier JB y allait de sa petite offensive, mais se faisait rapidement reprendre. A ce moment là, plusieurs groupes de coureurs contre attaquaient. Étant bien placé, j’hésitais à y aller, me disant que la différence se ferait plus tard. Quelle erreur !
Huit coureurs parvenaient à se faire la belle, et allaient vite rejoindre les deux hommes de tête. Même si aucun favoris n’était à l’avant, tous les gros clubs étaient représentés, et le peloton laissait filer. Je m’en voulais terriblement de ne pas avoir tenté ma chance, car le groupe de 10 avaient plus de 2 minutes d’avance à 30 kilomètres de l’arrivée. Le parcours était toujours aussi vallonné et je pouvais constater que j’étais particulièrement en jambe.
La ligne d’arrivée était placée en haut d’une grosse montée à fort pourcentage. Un premier passage était prévu avant de refaire une boucle de 20 kilomètres environ. Au pied de ce premier passage, je me replaçais pendant les premiers mètres de l’ascension. Voyant que le rythme n’étais plus élevé que ça, j’accélérais un peu puis passait en tête de peloton. Je faisais ainsi toute la montée en tête, presque à bloc et jusqu’au premier passage sur la ligne. En me retournant, je constatais que ce gros effort n’avais pas fait beaucoup de dégâts. Je me replaçais dans les roues, alors que la relance était vraiment violente. Je tentais de récupérer de ce gros effort, alors que se profilait une nouvelle montée difficile. Je l’abordais une fois de plus bien placé, mais les jambes n’étaient subitement plus les mêmes.
Je reculais tout au long de la bosse, alors que le peloton explosait en plusieurs groupes. Je basculais au sommet un peu largué dans un second groupe, et les jambes coupées. Je relançais malgré tout l’allure, alors que notre groupe retrouvait quelques forces vives revenues de l’arrière. La chasse s’organisait, et nous revenions rapidement sur la première partie du peloton. Ouf ! Il ne restait plus que trois kilomètres de course, dont un kilomètre de montée finale. Sentant qu’il fallait rester à l’avant du groupe, je demandais à mon équipier Ludo de me remonter. Je prenais sa roue, et il me ramenait sur la tête de groupe à une bonne vitesse. Un petit coup d’œil vers l’avant, un petit trou, il ne m’en fallait pas plus pour placer une attaque ! Je m’élançais en solitaire vers l’arrivée, personne n’ayant suivit cette dernière offensive.
Le peloton n’ayant pas réagi, je prenais rapidement un peu d’avance et tentais de gérer mon effort en vue de la dernière ascension. J’arrivais quand même au pied à 180 pulses, et m’attaquais aux premiers pourcentages en jetant mes dernières forces. Mon avance, qui était d’une quinzaine de secondes au pied, se réduisait au fil de la montée, car je butais un peu sur la pente. Malheureusement, j’étais repris sur le sommet et devais relancer la machine pour reprendre les roues. Je parvenais à lancer mon sprint mais j’étais complètement cuit. Je franchissais la ligne en 19ème position, bien loin de mes objectifs initiaux pour cette étape. Si seulement j’avais pris mon courage à deux mains pour rejoindre cette échappée …
Deuxième étape : la pluie s’invite sur le contre-la-montre
Au réveil le dimanche matin, j’entends la pluie tomber sur le Velux de ma chambre. Pas de surprise, la météo ne s’est pas trompé pour une fois … Nous partons assez tôt vers le départ, car l’un de mes équipiers étant dans le bas du classement, il partira dans les premiers. Peu importe, cela me laisse le temps de bien me réveiller et d’évacuer le stress qui s’invite avant tout contre-la-montre.
Je monte sur mon vélo environ une heure avant mon départ, pour m’échauffer sur le home-trainer. Les jambes tournent bien et me donnent confiance pour la suite. Je réalise quelques séries pour faire monter le cœur, et tout va bien. Guy, avec qui j’ai fais l’Étape du Tour l’an dernier, vient me rendre visite, puis rapidement, c’est l’heure du départ.
Je descends du home-trainer, remet ma roue de course, et c’est parti pour le podium. Le temps est exécrable, puisque la pluie tombe en continue depuis le matin, et qu’il doit faire 12° environ …
Je monte sur la rampe de lancement plein d’ambition, et me dis que si je me fais rattraper par le coureur suivant, ça me fera un point de mire pour faire un temps correct. En effet, c’est l’un des favoris de l’étape qui s’élance derrière moi … 5, 4, 3, 2, 1 Go ! Je pars à fond pour ne pas perdre trop temps, et manque de me prendre le fossé sur le premier virage. La route est détrempée, et il faut rester prudent. Les premiers kilomètres se passent bien, les jambes tournent et le cœur semble bien répondre. Je traverse un premier village, dans lequel je passe un petit talus en force. Je relance, puis dans un faux plat descendant, ppsssssshhhhhhh, crevaison ! Je coupe mon effort, n’ayant pas envie de détruire ma jante ni de me retrouver par terre. Je réduit mon allure, préviens le motard devant moi puis m’abrite sous un arbre. Je suis dégouté, car j’étais vraiment bien parti, et la fusée derrière moi était encore loin à mi parcours …
Je patiente calmement, mais les minutes sont bien longues. Je vois passer les concurrents un par un, mais on dirait qu’on m’a oublié ! Le leader du général passe devant moi, et je bloque la voiture du directeur de course pour l’obliger à s’arrêter. Je pousse une gueulante, ça fait 20 minutes que j’attends sous la pluie et dans le froid ! Celui-ci m’annonce que je suis obligé de refaire le parcours si je ne veux pas être éliminé de la course. Il me ramène jusqu’à la voiture, je change de roue dans la précipitation, puis me dirige à nouveau vers le départ pour une seconde tentative.
Cette fois-ci, je suis frigorifié. Mes bras et mes jambes tremblent de froid, et j’ai du mal à me concentrer. Je m’élance et puis c’est reparti. De toute façon, il faut le faire ! Rapidement, je sens que mon rendement est inférieur à mon premier parcours, et j’arrive rapidement à saturation. Je butte contre chaque obstacle, vent ou petite bosse, et j’ai du mal à relancer la machine. J’attaque la partie finale avec un vent de 3/4 face, mais je n’affole pas les compteurs. J’arrive péniblement à me maintenir à 38-39 km/h, mais la tête n’y est plus. Je franchi la ligne dégouté et gelé ! Cette satanée crevaison m’a coûté cher, je prend la 83ème place du chrono. Même si ce n’est pas mon exercice favoris, je pensais faire mieux …
3ème étape : pluie et froid au programme
Après un repas bien mérité dans une salle chauffée qui nous fait le plus grand bien, il est temps de prendre le départ de la troisième étape le dimanche après-midi. La pluie du matin est toujours bien présente, et ne semble pas vouloir s’arrêter. Pour ma part, j’ai perdu toute espoir de bon résultat à cause de mon contre-la-montre raté, mais le moral est encore bon.
Dès le départ, je remonte tout de suite aux premières places pour ne pas subir les vagues du peloton. Comme d’habitude, ça part à bloc, et l’équipe du VC Méru semble bien décidée à cadenasser la course. Je n’ai pas de mal à rester bien placé, mais au bout d’une dizaine de kilomètres, la buée s’invite sur mes lunettes. La galère commence … Pendant ce temps là, de nombreuses attaques fusent, et le rythme ne faiblit pas. Les jambes ne sont pas très bonnes, mais je me décide quand même à en mettre une au cas où, pour tester. Peine perdue, il faut rouler à plus de 50 km/h pour avoir une chance de creuser un écart.
Avec ces efforts supplémentaires, la buée ne quitte plus les verres de mes lunettes, et il devient vraiment dangereux de frotter à l’avant du peloton. Je rétrograde lentement, et reste concentré sur la roue arrière du coureur qui me précède pour éviter de la toucher. Pour vous donner une idée, on va dire qu’il me reste 1/10ème de la surface de mes lunettes sans buée …
Quelques kilomètres plus loin, j’apprends qu’une groupe d’échappés à pris de l’avance, alors que le rythme du peloton se calme enfin. Cette nouvelle ne me fait ni chaud ni froid, tant je suis obnubilé par cette foutue buée ! Je subie complètement la course et ne peut rien faire sans prendre de gros risques. Pas la peine, je n’ai pas envie de finir dans l’ambulance …
Pendant ce temps là, mes équipiers ne cessent de s’arrêter pour crevaison. C’est assez surréaliste d’ailleurs, tant les crevaisons seront nombreuses sur cette étape. Grâce à notre super staff, ils arrivent à remonter à chaque fois, mais grillent pas mal de cartouches à ce petit jeu.
A 20 kilomètres de l’arrivée, le peloton ayant décidé de rouler depuis un petit moment, nous revenons sur les échappés au pied de la dernière bosse du jour. Celle-ci est escaladée à un bon rythme, que je n’ai pas trop de mal à suivre malgré mes jambes qui commencent à être tétanisées par le froid. Quelques coureurs parviennent à s’échapper, y compris JB qui part un peu tard en contre. Il se fait malheureusement reprendre quelques kilomètres plus loin, alors qu’un coureur va s’imposer en costaud.
Julien vient prendre une belle 10ème place au sprint, et je termine pour ma part dans le paquet, sans avoir pu m’exprimer. La pluie, ce n’est vraiment pas mon truc !
4ème et dernière étape, crevaisons, flop et … pluie !
Lundi 20 mai, à peine 10 degrés au réveil, et toujours cette pluie battante qui tape sur mon Velux. Je me lève le moral dans les chaussettes, mais il faut quand même prendre le départ. Nous avons un maillot à honorer, et il faudra faire bonne figure car les résultats ne sont pas géniaux depuis le début de la course. Mais au moment de sortir le vélo de la voiture, la pluie redouble d’intensité. Je vois quelques coureurs d’autres équipes enlever leurs dossards, et l’idée d’abandonner me traverse quand même la tête. Mais remonté par mes équipiers et nos supporters, je prend le départ …
Comme la veille, je me place toute de suite dans les premières places, mais comme la veille, la buée envahie la surface de mes verres de lunettes au bout d’une dizaine de kilomètres. Autant vous le dire tout de suite, ma course s’arrête là …
Une fois de plus, je suis obligé de reculer dans le peloton, mais je profite cette fois d’un parcours un peu plus vallonné pour me replacer dans les côtes. Au bout de 30 km, deux ascensions successives se présentent à nous. Je passe la première dans les 15 premiers, alors que ça visse sérieusement ! Ça se regroupe un peu, puis nous attaquons la seconde montée. Je paye un peu mes efforts, et rétrograde aux alentours de la 40ème place.
On bascule au sommet, et ça relance toute de suite à fond. Nous arrivons sur un long faux plat montant, où le vent souffle de travers. Évidemment, les premiers se font une joie de former une belle bordure, et derrière c’est chacun pour soi. Étant mal placé, je subit et prend le vent de plein fouet, mais les jambes sont encore suffisamment bonnes pour résister. Malheureusement, comme souvent dans ce cas, c’est un coureur qui me précède qui explose en vol. Le temps que je m’en aperçoive, il y a déjà 20 mètres à boucher. Je relance de toutes mes forces, mais je suis déjà à bloc. Impossible d’en rajouter ! Je suis tout de suite relayé par d’autres coureurs piégés, mais nous ne parvenons pas à réduire l’écart.
C’est un peu la débandade, car seul un de mes équipiers est devant : Jean-Baptiste, notre coureur le mieux placé au général. Mais comme la chance n’est pas de notre côté, il crève de la roue arrière quelques kilomètres plus loin, et se fait reprendre par notre peloton de contre. Seul une grosse trentaine de coureurs sont devant, mais il n’y a plus personne qui est motivé pour rouler avec nous, et je suis de mon côté un peu cuit.
Notre fin de course ressemble plus à une ballade cyclotouriste, avec un rythme franchement faible. La motivation n’y est plus, et la pluie continue son travail de sape. Au milieu d’une descente à 30 km de l’arrivée, nous doublons le leader de Méru, qui avait course gagné, allongé sur le sol avec la clavicule brisée. Cette situation est particulièrement représentative de cette édition des Routes de l’Oise 2013, tant les crevaisons et chutes ont faussées la course.
Nous terminons donc cette étape en augmentant un peu le rythme, et JB, complètement dégouté, se lance dans un dernier baroud d’honneur pour terminer un peu devant notre peloton. Je me motive quand même pour faire le sprint, et prend la 4ème place du groupe réglé par Julien. Je retourne le plus vite possible à la voiture, car le froid commence à m’envahir.
A l’heure du bilan, c’est la frustration qui prédomine. Autant pour moi que pour mes équipiers, les conditions difficiles ont pesées négativement sur notre course. Nous avons quand même relevé 12 crevaisons sur le weekend, signe que la malchance n’était pas franchement notre côté … J’espère revenir l’an prochain avec les mêmes ambitions pour prendre ma revanche sur cette course, car j’avais de très bonnes jambes, et certainement les moyens de rivaliser avec les meilleurs. C’est quand même dur le vélo, les efforts ne payent pas toujours …
Salut , Merci pour ce super recit. Ca me rappel des souvenirs car j’ai participe a l’edition 2012 . C’etait ma premiere course a etape et honnetement je n’tais as au niveau (je cours en 3e cate) pour lutter j’ai termine dernier classe avec beaucoup de peine je me suis fait violence pour atteindre la ligne d’arrivee de la derniere etape j’ai passe mes routes de l’oise seul avec pour compagnon la voiture balai derriere moi mais ca reste un de mes plus beaux souvenirs de cycliste . J’espere que je reviendrai un jour. Avec plus d’ambitions
Bonne route a toi
Merci Kevin pour ce commentaire, c’est très sympa d’avoir un avis d’un autre participant. Effectivement, c’est une course au niveau très relevé, et j’avais bien souffert moi aussi lors de ma première participation en 2011. Tu es bien courageux d’avoir terminé dans ces conditions, et c’est toujours une bonne expérience pour la suite !
Bonne route à toi également !
Je dois bien dire que le récit est palpitant, cette édition n’avait pas l’air simple dit donc…bravo tout de meme pour la participation, et bon courage pour les prochaine course !
Merci beaucoup pour ton message C.Frome ! C’était dur, mais on va dire que c’est bon pour travailler le mental … lol