Après une nouvelle nuit bien trop courte à Morzine, il était déjà (ou enfin, c’est selon…) temps de clôturer cette course exceptionnelle qu’est la Haute Route. Mais avant de passer la ligne d’arrivée, il fallait encore relier la station savoyarde à la ville de Genève. Et comme tous les jours, c’est une longue succession de cols qui nous attendait tout au long des 140 km du parcours… Avec l’objectif de conserver ma place dans le top 40, la motivation était encore bien présente même si les forces manquaient sérieusement !
Un double enchaînement de cols pour commencer
Après un dernier réveil à 5h du matin, j’avalais rapidement mon petit déjeuner sans faire de bruit pour ne pas réveiller les autres occupants du camping-car. Je sentais la tension monter, car même s’il s’agissait de la dernière étape, je savais bien que j’allais encore souffrir sur les petits cols savoyards…
Je prenais place sur la ligne de départ à Morzine sous les yeux de Julien, une fois de plus levé aux aurores pour m’accompagner. J’étais une fois de plus moyennement placé, mais ne m’inquiétait pas puisque le départ était neutralisé pendant quelques kilomètres.
Notre peloton s’élançait donc à allure modérée dans un faux-plat montant, ce qui me permettait de remonter aux avants-postes sans faire trop d’effort. J’étais déjà concentré car l’enchaînement col de l’Encrenaz, col de la Ramaz qui nous attendait n’allait pas être évident à gérer. Et effectivement, dès le départ réel donné, l’accélération était vive !
Les premières pentes du jour se présentaient sous nos roues, et il fallait y aller à fond ! Je trouvais rapidement mon rythme, mais j’avais vraiment le sentiment d’être collé à la route. Le cœur ne montant plus, j’avais du mal à trouver mes repères sur cette petite route étroite qui serpentait dans la forêt. J’essayais d’optimiser mes coups de pédales, car cette étape étant chronométrée sur toute sa longueur, il ne fallait surtout pas prendre un éclat…
Le sommet était rapidement atteint et j’avais le sentiment d’être au delà de la 50ème place. Je me lançais alors dans une descente technique et sur une route défoncée, avec un pilotage agressif mais relativement prudent. Il aurait était dommage de s’envoyer dans le décor si proche de l’arrivée.
Sans avoir vraiment eu le temps de récupérer, nous enchaînions avec le col de la Ramaz. Je me retrouvais planté au pied, qui affichait des pourcentages élevés, et me faisais doubler par ceux que j’avais repris dans la descente. Le moral en prenait un coup mais je me battais avec mon vélo pour conserver un semblant de rythme.
Le pente radoucissait sérieusement sur le sommet, alors même que je venais de prendre les roues d’un groupe d’une dizaine d’hommes. Mais dès que les pourcentages redevenaient plus sérieux, je lâchais prise, sans force. Je passais le sommet une bonne trentaine de secondes derrière ce groupe, avec l’objectif de les reprendre dans la descente…
Une vallée difficile avant un coup de feu !
Le temps d’avaler un gel au sommet, je me lançais à fond dans la descente une nouvelle fois. Celle-ci n’était pas très technique, et il fallait pédaler pour prendre de la vitesse. Je rattrapais néanmoins rapidement le groupe visé, prenant les roues quelques secondes pour souffler. Je ne pouvais cependant renier ma nature et prenait la tête du groupe pour enchaîner les virages un peu plus vite.
Après ces quelques minutes de pilotage à haute vitesse, la vallée était atteinte et notre groupe se reconstituait. J’en profitais pour me ravitailler une nouvelle fois, car les jambes n’étaient toujours pas au rendez-vous. J’allais d’ailleurs le payer quelques minutes plus tard…
Alors que les relais s’enchaînaient à bon train, j’avais l’impression d’être déjà presque à bloc et voyais d’un mauvais œil de longs faux-plats s’annoncer devant nous. Malgré la meilleure volonté du monde, je devais me résoudre à laisser filer mes compagnons de route, dont la leader du classement féminin qui semblait finir la semaine en bien meilleure forme que moi !
Je me retrouvais une nouvelle fois perdu dans la pampa, à me battre seul avec mon vélo pour avancer coûte que coûte, le plus vite possible.
Deux coureurs anglais qui avaient lâchés le groupe avant moi me reprenaient, mais j’étais obligé de les laisser prendre le large au bout de deux minutes. Quel calvaire !
Je basculais seul en haut de ce petit col non répertorié, puis profitais d’une légère descente pour me refaire. La tête commençait à flancher alors que j’abordais une partie relativement plate, qui constituait l’approche de la 3ème montée du jour, le col de Feu. Avec seulement 3 kilomètres d’ascension, ce petit col n’avait rien d’effrayant. Pourtant, c’est face à un véritable mur que je me retrouvais à la sortie d’un petit hameau et bizarrement, les pourcentages élevés que proposait cette courte montée me redonnaient des ailes.
Je trouvais rapidement un bon rythme et reprenait les deux anglais qui m’avait passé dans la vallée. Je transpirais à grosse gouttes et retrouvais un certain plaisir dans le gros effort que j’étais en train de produire. La montée était vite avalée, d’autant plus qu’un ravitaillement nous attendait au sommet. J’y effectuais une pause expresse pour remplir les bidons, puis repartais à l’assaut de la fin d’étape.
Deux dernières ascensions roulantes mais éreintantes
La descente du col de Feu était relativement courte, permettant de récupérer quelques coureurs peu à l’aise ans cet exercice, mais ce bonheur était de courte durée. Une fois le pied atteint, le dernier col officiel de cette Haute Route des Alpes se présentait à nous. Une fois de plus, les 8 km à 6,3 % du col de Cou n’avaient rien d’effrayant. Mais avec presque 900 km dans les jambes en une semaine, les sensations n’étaient plus les même, il était temps d’en finir !
J’attaquais ce col avec une grande motivation, me faisant la peau pour rester au contact des coureurs qui m’accompagnaient. Je parvenais cette fois à suivre le rythme, en puisant au plus profond de mes réserves, pensant à ma famille qui m’attendait à l’arrivée. Ces 8 kilomètres me paraissaient interminable, je franchissais le sommet avec soulagement et plongeais directement dans la descente.
Celle-ci était relativement courte et peu pentue, nous obligeant à pédaler pour prendre de la vitesse. Je ne récupérais pas vraiment, puis notre groupe reconstitué attaquait la vallée une fois de plus en faux-plat montant vers le village de Saxel. Nous profitions de quelques beaux points de vue sur le lac Léman, mais je n’avais pas vraiment la tête à admirer le paysage…
Mes compagnons de route enchaînaient des relais de plus en plus appuyés, je devais m’employer pour tenir les roues et participer à l’avancement collectif. Mais cette journée n’était décidément pas la mienne, et une fois de plus, je me retrouvais obligé de lâcher prise en me retrouvant seul dans cette dernière ascension.
Je reprenais vers le sommet un groupe de cyclotouristes, puis attaquais la descente avec l’espoir de revoir mes anciens compagnons de route. J’appuyais de toutes mes forces sur les pédales, relançais au sprint après chaque épingle, mais cette descente elle aussi très roulante ne me permettait pas de boucher le trou créé dans la montée précédente.
C’est donc seul que j’abordais la dernière portion de la Haute Route, les mains en bas du guidon pour rouler le plus vite possible, mais le moral dans les chaussettes en ayant la désagréable impression de perdre un temps précieux.
Et je ne pensais pas si bien dire ! Alors que je pensais en avoir fini avec les montées, une dernière bosse se présentait devant moi au détour d’un virage. J’entendais au même moment un groupe revenir vers moi et me donnais comme objectif de ne pas me faire doubler dans cette dernière montée. C’était peine perdu, une petite dizaine d’hommes revenaient facilement sur moi, et j’éprouvais même quelques difficultés à prendre les roues !
Je serrais les dents une dernière fois dans le sillage de ces quelques furieux qui étaient pressés d’en finir. Heureusement, le sommet était atteint et c’est une belle descente qui nous attendait. Je ne prenais aucun risque cette fois-ci, un peu abattu par ce déroulement d’étape que j’imaginais plus à mon avantage… La ligne d’arrivée nous attendait au bas de la descente, dans un magnifique petit village ou de nombreuses familles s’étaient donné rendez-vous.
Je reprenais mes esprits quelques minutes, puis repartais en compagnie de Mickaël, le sympathique coureur danois avec lequel j’avais partagé de nombreux kilomètres tout au long de la semaine. Nous échangions nos impressions sur la course pendant les quelques kilomètres qui nous amenaient à Yvoire, ligne finale de l’étape du jour.
Je franchissais l’arche d’arrivée main dans la main avec Michaël, avec un sentiment de joie intense en retrouvant mes proches. J’avais un peu de mal à réaliser ce que je venais d’accomplir, mais j’étais vraiment satisfait d’en finir. La fatigue intense accumulée en quelques jours commençait à peser lourd sur mes épaules…
Après un bon burger bien mérité, je consultais les résultats qui me plaçaient à une décevante 55ème place, qui me faisait reculer au 41ème rang au général, à 3h41 du grand vainqueur Nicolas Roux. Si la déception de l’étape du jour était présente, j’étais quand même largement satisfait de la semaine, l’objectif de rentrer dans le top 50 étant largement atteint.
En début d’après-midi, tous les coureurs étaient conviés à remonter sur le vélo pour rejoindre Genève en convoi. Les 45 dernières minutes de la Haute Route Alpes 2017 permettaient de savourer, mais je dois bien avouer que j’avais hâte de franchir la ligne d’arrivée finale. C’est d’ailleurs un public nombreux qui nous attendait sur les bords du lac Léman, pour passer une dernière fois sous l’arche marquant l’arrivée finale.
Il était déjà temps de retrouver le camping-car et de remonter vers le Nord, les contraintes professionnelles des uns et des autres nous obligeant à zapper la soirée finale… Autant vous dire que j’ai bien dormi sur la route du retour !
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