La première nuit de récupération passée, un petit déjeuner vite avalé, le parcours révisé, il était temps d’ouvrir la porte du camping-car pour apprécier à nouveau un paysage incroyable et observer la nature s’éveiller doucement…
Au matin de la seconde étape de cette Haute Route Alpes 2017, le soleil était toujours au rendez-vous. La température était encore un peu fraiche au sommet de Pra Loup, mais je décidais de partir en court en prévision de la chaude journée qui nous attendait.
Sur la Haute Route, les départs des stations en altitude sont toujours neutralisés pendant la première descente. Ce choix semble assez logique pour la sécurité de tous, mais je dois bien avouer que je déteste cette situation. Il faut descendre en étant en permanence sur les freins, il fait souvent un froid de canard, bref cela n’a rien d’agréable. Heureusement, la suite du parcours que je connaissais presque par cœur me donnait une motivation du tonnerre pour faire de mon mieux. Je savais en plus qu’en ce second jour de course, j’aurais quelques supporters sur le bord de la route…
Un départ plein gaz sur les pentes de Vars
C’est donc une étape de “seulement” 127 km qui nous attendait, mais je l’avais identifié comme l’une des plus difficiles avec les ascensions successives des cols de Vars, de l’Izoard et enfin du Granon.
Une fois la descente de Pra Loup passée, les fauves étaient lâchés dans la vallée pour un échauffement à toute allure. Bien que le profil du jour invitait à la prudence, c’est déjà une bataille acharnée entre les premiers du classement général qui avait lieu. Je choisissais de rester sagement dans les roues, jusqu’à ce que nous arrivions dans les contreforts du col de Vars. Un peu surexcité, je suivais quelques coups et me retrouvais à prendre des relais très appuyés avec les leaders de la course. Si je pouvais tenir la cadence sur le plat, il n’en était pas de même dès que la route s’élevait…
Néanmoins, ce rythme très élevé me faisait tenir la tête de course jusqu’aux passages les plus difficiles de Vars, à environ 5 kilomètres du sommet. Notre peloton déjà nettement réduit explosait en éclat à ce moment-là, je me calais pour ma part à un rythme de croisière très soutenu mais que je savais pouvoir tenir pour rallier le sommet.
Très concentré sur mon effort, le coup de pédale était fluide et me permettait de limiter la casse par rapport aux coureurs de tête. A l’approche du sommet, je remettais une couche et finissait presque au sprint, encouragé à pleins poumons par des amis venus de Marseille. Quel plaisir de les retrouver à cet endroit magnifique ! Un peu groggy par l’effort, je ne traînais néanmoins pas trop en route, sachant que le chemin était encore long jusqu’à l’arrivée.
La descente du col de Vars non chronométrée était vite avalée, puis une petite route très étroite et bien vallonnée nous permettait de rejoindre la vallée du Guil sans passer par Guillestre. Le chronométrage reprenait un kilomètre plus loin, et à ma grande surprise, la petite dizaine de coureurs qui m’accompagnaient s’arrêtaient pour attendre du renfort. La vallée précédent l’Izoard n’est certes pas une partie de plaisir, mais elle serait très bien passée à 10 ! Je m’arrêtais moi aussi, peu motivé à l’idée de réaliser cette partie du parcours tout seul.
Cinq bonnes minutes plus tard, un groupe d’une dizaine de coureurs arrivait, ce qui me laissait dire que tout ce petit monde allait se remettre en route. Que neni ! La plupart attendait encore, profitant d’une trop longue pause à mes yeux. J’hésitais un peu longuement, puis me remettait en route en produisant un gros effort pour reprendre les roues du groupes qui venait de passer. Quelle erreur !
Le col d’Izoard, terre de légende
Une fois le groupe rattrapé, j’éprouvais toutes les peines du monde à retrouver un second souffle. Je passais quelques relais pour la forme, mais les jambes n’y étaient pas. Je retrouvais heureusement quelques couleurs à l’approche de l’Izoard, un col difficile dont je connaissais bien les pièges. L’ayant gravi à deux reprises au mois de juillet, je savais à quoi m’attendre… J’attaquais cette montée prudemment, laissant partir mes compagnons de route dans les premiers lacets. Puis, à 10 kilomètres du sommet, à mesure que la route se cabrait, la tendance commençait à s’inverser. Bien concentré sur mon effort, je reprenais la quasi totalité des coureurs m’ayant dépassés, provoquant un certain sentiment d’euphorie. J’oubliais volontiers le mal de jambes pour profiter de ces instants dans lesquels on sent que le corps tourne comme une horloge…
La Casse Déserte, endroit sublime que tout cycliste doit traverser au moins une fois dans sa vie, me permettait de souffler quelques secondes avant d’attaquer les deux derniers kilomètres d’ascension. Je franchissais le sommet fatigué, mais en ayant gardé quelques réserves pour LE gros morceau de la journée !
La descente de l’Izoard, une nouvelle fois non chronométrée, était l’occasion de me faire plaisir dans une succession d’épingles et d’enchaînements de virages. Mes roues RAR Even 38 couplées aux boyaux Vittoria Graphène 25 mm étaient un régal et invitaient à prendre de la vitesse en ligne droite et de l’angle dans les virages…
L’organisation de la course nous avait prévenu que la traversée de Briançon ne serait pas une partie de plaisir, mais je trouvais le travail des signaleurs particulièrement efficace. Je pouvais sortir de l’agglomération sans soucis, me réservant pour le dernier col de la journée.
Des encouragements bienvenus pour le final
Le tapis de reprise du chronométrage en vue, je passais le grand plateau et relançait la machine, seul à cet instant de la course. 500 mètres plus loin, j’avais le plaisir de recevoir les encouragements de mes supporters les plus fervents (mon épouse, mes enfants, Joséphine et Julien) qui me donnaient un sérieux coup de boost au moral. Il en fallait vraiment, car le Granon est une montée que je redoutais à raison ! C’est donc revigoré et traversé d’une vive émotion que j’attaquais cette dernière difficulté de la journée.
En plein cagnard, je butais sur les premières rampes à plus de 10 %, adoptant le plus petit braquet possible que je n’allais plus quitter. J’avais heureusement en point de mire Hervé Gebel, alors 17ème du général avec qui j’avais sympathisé la veille. Sachant son niveau élevé, me savoir proche de lui me rassurait sur ma position à ce moment de la course.
En gérant parfaitement mon effort, je maintenais un rythme élevé pendant les premiers kilomètres de l’ascension. J’avais l’impression de me rapprocher peu à peu d’Hervé, qui naviguait 30 secondes devant moi, mais je ne pouvais boucher le trou. Puis, à partir de la mi-pente, la tendance s’inversait. Il faut dire que les panneaux indiquant le pourcentage du kilomètre à venir affichaient tour à tour 10 %, 11 %, 12 % ou plus, ce qui démontrait bien la difficulté extrême de ce col ! Cependant, je ne m’effondrais pas et franchissais la ligne d’arrivée en 7ème position !
Si ce résultat provisoire provoquait une certaine euphorie chez mes supporters, je savais bien que des petits malins avaient pris plus de temps pour se reposer et allaient me doubler d’ici la fin de la journée. Le résultat définitif tombait en fin d’après-midi, me plaçant à une exceptionnelle 22ème place, à environ 20 minutes des premiers. J’étais vraiment content de mon étape, qui me replaçait à la 36ème place au général après cette difficile journée. Le bilan était pour l’instant très positif !