Etape du Tour Acte 2 : quand la pluie s’en mêle …

Il y a deux ans, lors de l’étape du Tour 2010, j’avais découvert la rudesse des cols pyrénéens dans lesquels j’avais vraiment souffert. Mais fort d’une performance honorable sur le premier acte de l’Etape du Tour 2012, entre Albertville à la Toussuire, je me présentais confiant au départ de Pau en ce samedi 14 juillet. Pour être plus précis, c’est l’esprit de revanche qui m’habitait, et j’avais la ferme intention de remplir mon objectif, à savoir rentrer dans le top 100.

Un début de course idéal …

Comme d’habitude pour l’étape du Tour, le réveil sonne bien tôt en ce jour de fête nationale. Je suis plutôt serein, et je prend place dans le premier sas environ 30 minutes avant le départ. Ayant eu la possibilité de reconnaître les premiers kilomètres de course la veille, je sais qu’il sera facile de remonter en tête, tant les routes sont larges jusqu’au pied du premier col.
Le départ est donné vers 7h00, et je me positionne tout de suite à l’avant du peloton, dans les 20 premières places. Le rythme est soutenu, mais sans plus. Il est facile de suivre dans les roues, et même si quelques attaques fusent, le rythme reste régulier.

Je sais que les 40 premiers kilomètres ne sont pas de tout repos, car nous sommes tout le temps en prise dans un long faux-plat montant. Au bout de 20 kilomètres, nous avalons une première bosse d’environ 1,5 km, qui permet de se mettre en jambe et de chauffer le petit plateau. Il risque de beaucoup servir aujourd’hui … J’avais un peu peur de ne pas pouvoir suivre les meilleurs à cet endroit, mais le rythme reste là encore modéré. On sent bien à ce moment que tout le monde appréhende un peu la journée qui nous attend.

Depuis le départ, la météo est plutôt clémente. La température est plutôt douce et il ne pleut pas, je n’ai donc même pas pris le soin de mettre mes manchettes. Mais en se rapprochant du pied du Col d’Aubisque, nous pouvons voir que la couche nuageuse est plutôt basse. Peu importe, de toute façon, on ne peut plus reculer … Le pied de ce premier col est donc atteint en un peu plus d’une heure de route, et je l’attaque dans les 100 premiers.
Les premiers kilomètres d’ascension ne sont pas très pentus, et je maintien sans soucis ma position jusqu’à la station thermale d’Eaux-Bonnes, à partir de laquelle la déclivité augmente. Je décide de me caler à mon rythme, et laisse filer les premiers que je garde malgré tout en point de mire. Je suis particulièrement en jambe dans ce col, et je sens que la journée va être bonne.

Dans la montée du col d'Aubisque, les jambes sont là !
Dans la montée du col d’Aubisque, les jambes sont là !

… jusqu’à ce que la pluie s’en mêle !

Arrivé à environ 900 mètres d’altitude, nous rentrons dans les nuages, et la température extérieure diminue nettement. L’humidité est de plus en plus forte, et à 7 kilomètres du sommet, il se met carrément à pleuvoir. L’effort étant intense, je ne souffre absolument pas du froid, mais la malchance me rattrape. La buée envahie rapidement mes lunettes, et je me débrouille comme je peux pour ne pas être trop gêné. Ce n’est pas un si petit détail qui va gâcher mon étape du Tour ! Je reste concentré sur mon effort, et atteint le sommet en bonne position malgré la pluie bien soutenue maintenant.

Je suis satisfait de ma montée, mais au moment de basculer dans la descente, je sais que je vais moins rire. Je suis en maillot et cuissard court, complètement trempé … Nous évoluons dans un brouillard tenace, et nous arrivons à peine à distinguer les virages qui arrivent. Ces premiers kilomètres de descente sont donc réalisés très prudemment, d’autant plus qu’un coureur tombe devant moi. Rien de rassurant … Très rapidement, sous l’effet de la vitesse, le froid m’envahit, et je commence à trembler de tous mes membres. Je suis un peu crispé sur mes freins, et incapable de tourner les jambes pour détendre mes muscles. La galère commence !

Heureusement, cette première descente est très courte, et nous attaquons tout de suite les deux dernières kilomètres de la montée du Soulor. Je suis complètement frigorifié et planté dans cette pente pourtant facile, mais je m’accroche car je sais que mon père est au sommet. Dès que je le retrouve, je m’arrête et file avec lui à la voiture pour me changer. Je sais que la descente du Soulor est très longue et que je ne pourrais pas finir la course si j’ai trop froid. Le temps de me réchauffer, de me changer et de manger un peu, je laisse filer un bon quart d’heure dans l’affaire. Qu’importe, à ce moment de la course, j’hésite à abandonner et mon seul objectif est de finir.

Je repars complètement abattu, et me jette malgré tout dans la longue descente du col du Soulor. C’est une route que je connais, l’ayant parcouru en 2010, mais je ne reconnais rien. Le brouillard est tellement dense qu’on distingue à peine le coureur qui nous précède ! Je réalise une descente très prudente en me lâchant un peu sur la fin quand la route devient moins humide et que nous quittons les nuages. La traversée d’Argeles-Gazost se fait plein gaz, car j’ai besoin de me réchauffer. Je suis à nouveau frigorifié, même avec mon maillot long de mi-saison …

A partir de ce moment, je sais que la longue vallée vers le col du Tourmalet est particulièrement difficile. Le vent est plutôt de face, et ce long faux plat montant est piégeux. Il faut vraiment surveiller le cardio à ce moment, pour ne pas perdre trop d’énergie alors qu’un col de plus de 20 kilomètres nous attend.

On passe le turbo !

A la sortie d’Argelès, je ralentis un peu pour me faire rattraper par un bon groupe d’une trentaine de coureurs. J’en profite pour me ravitailler, puis je me met à rouler dès que je suis repris. Je passe mes relais avec un, deux puis trois coureurs, et c’est tout ! J’essaye de forcer quelques autres à assumer leur part de travail, mais rien n’y fait, personne ne veut faire le train. Je me glisse alors en milieu de groupe, avale une barre de céréales, puis je place une grosse attaque qui fait exploser le groupe.

Nous nous retrouvons à 3 coureurs, à bloc dans cette vallée qui risque de me coûter cher. Ce n’est pas grave, je suis là pour me faire plaisir ! A force de rouler, nous revenons sur un groupe plus important à 3 kilomètres de Luz-Saint-Sauveur et du début de la seconde ascension du jour, le col du Tourmalet. Cela nous laisse 3 km de répit, qui me fait le plus grand bien !

Dès les premières rampes de ce géant des Pyrénées, je sens que les jambes sont toujours au rendez-vous, et je prend à nouveau la tête de ce groupe d’une cinquantaine d’unités. Très vite, et sans forcer outre mesure, je décroche un à un mes compagnons de route, jusqu’à me retrouver seul pendant un bon moment. Je suis vraiment bien dans ce col, dans lequel je reprend beaucoup de monde …

Dans la montée du Tourmalet, sous le brouillard
Dans la montée du Tourmalet, sous le brouillard

Évidemment, à partir d’un peu plus de 1000 mètres d’altitude, nous rentrons à nouveau dans les nuages, mais les conditions sont moins difficiles que dans le col d’Aubisque. Je continue mon chemin, mais commence à buter contre la pente à 3 kilomètres du sommet. A cette altitude, l’oxygène se fait plus rare, et je paye certainement ma belle poursuite dans la vallée. Je perd même quelques places, puis arrive au sommet dans un état de forme assez correct.

Congélation, acte 2

Si la route était sèche pour la montée, les premiers mètres de la descente du Tourmalet sont détrempés, et nous retrouvons un brouillard très épais. A nouveau, je suis complètement gelé au bout d’un ou deux kilomètres, et cette descente me paraît interminable.
Je traverse des hameaux sans même apercevoir les maisons, je suis parfois à 60 km/h sans voir si un virage approche, c’est assez hallucinant ! Même si je suis très prudent, je ne perd pas de place dans cette descente, mais perd certainement beaucoup de temps par rapports à ceux qui connaissent bien ce terrain …

Difficile de descendre dans ces conditions ...
Difficile de descendre dans ces conditions …

Au bas de cette longue descente, nous arrivons à Sainte-Marie de Campan, où nous attend un ravitaillement sur lequel j’avais prévu de m’arrêter. Dès que je pose le pied à terre, mon père me rejoint et je vois dans son regard une vraie pitié ! Il faut dire que je suis éprouvé physiquement, je tremble encore de tous mes membres, et le ciel n’est pas franchement rassurant pour la suite de l’épreuve.
Contrairement à mon habitude, je prend mon temps et en profite pour bien m’alimenter. Je perd une fois encore un bon 5 minutes, mais cela me sera bien profitable pour terminer cette épreuve dantesque …

Je repart avec le moral un peu regonflé par l’idée d’avoir fait le plus dur. Au bout d’un kilomètre, nous attaquons déjà la montée du col d’Aspin. Ce col est plutôt facile dans les 5 premiers kilomètres, pendant lesquels je reprend encore quelques coureurs, en essayant d’en garder sous la pédale.
A 5 kilomètres du sommet, la pente devient plus sévère, et nous retrouvons très rapidement les nuages. Je commence à sérieusement sentir le poids des kilomètres, et ce troisième col me coûte vraiment cher. Je perd à nouveau quelques places, mais je m’accroche et je passe le sommet avec un bon groupe d’une dizaine de coureurs.
La descente qui suit et à nouveau bien humide, mais étant beaucoup plus courte, elle me paraît moins pénible.

Une longue procession jusqu’à Luchon

Dès la descente terminée, nous attaquons les premiers contreforts de la dernière difficulté du jour, le col de Peyresourde. Ce petit groupe me permet de garder un bon rythme dans ces faux-plats montants, jusqu’à ce que nous arrivions au début de la « vraie » montée finale.

Dès les premiers hectomètres, je laisse filer mes compagnons de route, qui me semblent plus frais que moi. Je n’arrive plus à faire monter le cœur, et même si les jambes ne sont pas très douloureuses, j’ai l’impression qu’elles ne répondent plus. Je m’alimente à nouveau, ayant peur d’une nouvelle fringale, mais c’est plus certainement la fatigue accumulée qui me vaut ce coup de moins bien …

Dans la montée de Peyresourde, je suis cuit !
Dans la montée de Peyresourde, je suis cuit !

Tant bien que mal, lentement mais sûrement, je me hisse jusqu’au sommet qui est une nouvelle fois perdu dans les nuages. Le passage du col me fait un bien fou au moral, et j’attaque la descente soulagé d’y être arrivé. Et pour me combler de bonheur, la route redevient très vite sèche, ce qui me permet d’attaquer à nouveau les virages à bloc !

Je rattrape rapidement un petit groupe, avec lequel je fais toute la fin de la descente, constituée de longues lignes droites très rapides. Ce terrain très peu technique ne me permet pas de faire la différence, et même si je relance à fond dans les quelques virages qui se présentent sous nos roues, tout le monde suit le mouvement.

Fin de la descente, ça y est nous entrons dans la ville de Luchon. Un grand virage sur la droite nous fait fortement ralentir, et tout le monde relance encore une fois à fond. Nous passons sous la flamme rouge à plus de 50 km/h, comme si nous allions jouer la victoire ! Même si le souffle est court, je savoure ce dernier kilomètre, avant de passer la ligne au sprint avec mes derniers compagnons de route.

Je termine ce second acte de l’étape du Tour 2012 en 7h52 (temps officiel) et à la 152ème place. Une fois encore, je rate mon objectif, mais la satisfaction est de mise compte tenu des conditions climatiques. J’ai tout donné pour rester en course et le plus dur pour moi fut de lutter contre le froid. C’est d’ailleurs la première fois que je boucle une course dans de telles conditions …

Voilà une belle aventure qui se termine, un objectif passé. Au passage, merci Papa pour ton soutien ! Maintenant, place à la fin de saison avec encore de belles courses à disputer, dont la Chti Bike Tour dont je vous parlerais bientôt …

3 thoughts on “Etape du Tour Acte 2 : quand la pluie s’en mêle …

  1. Beau compte rendu !

    Avec les conditions qu’on a eu, difficile de trouver le temps pour se voir à l’arrivée. J’étais complétement congelé et j’ai filé à la voiture me changer directement et je ne suis plus retourné à l’arrivée…

  2. Merci Rémi ! Moi aussi j’étais bien gelé, je me suis réfugié dans un resto pour me faire un bon plat bien chaud, j’en avais trop marre des madeleines !

    On aura d’autres occasions je pense …

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